La grammatisation selon Bernard Stiegler correspond à la tendance à la discrétisation du continu, notamment la transformation de la temporalité propre aux flux symboliques en flux engrammés.
§ la grammatisation est un processus de spatialisation du temps de la conscience incarnée qui modifie en profondeur la réalité phénoménale, pour les consciences humaines, des flux grammatisés,
§ le milieu numérique constitué par le réseau internet au niveau mondial modifie très en profondeur les relations entre ces consciences incarnées, à un point tel qu’il entre en rupture avec un état de fait qui s’était installé depuis deux siècles – avec la révolution industrielle – et qui imposait l’opposition producteurs/consommateurs.
Cette tendance s'exporte non seulement dans l'écriture depuis longtemps mais aussi dans les machines et les appareils. Le développement machinique et industriel qui a conduit aux appareils contemporains de la grammatisation, intègrent machines de production et appareils technologiques et sociaux à l’âge hypSur quoi repose, intrinsèquement, la technique ? Quelle en est la forme actuelle ?
La technique, dans le fil de son évolution, se développe selon des procédés que Bernard Stiegler nomme des procédés de grammatisation, qui sont ce qu’il appelle des processus de discrétion, c’est-à-dire qui isolent un geste, une pensée ou autres pour les retranscrire en les rematérialisant autrement. Par exemple, on peut rédupliquer, en l’abstrayant de sa provenance initiale, la voix, qui correspond au départ à un certain état du corps et à la manière dont les organes qui le composent communiquent et s’agencent entre eux, en la matérialisant sous une autre forme, par exemple celle d’un code numérique dans un dictaphone USB. Le stade "hypermatériel" désigne la dernière étape du processus de grammatisation, dont la première étape fut la naissance de l’écriture, la deuxième le développement de l’imprimerie, la troisième le développement du machinisme qui a étendu la discrétisation de la pensée aux gestes corporels. Deux traits caractérisent le stade "hypermatériel" : l’entrée, désignée par Walter Benjamin, dans l’ère de la reproductibilité qui permet de restituer les choses dans leur temporalité propre, et plus encore le fait que la matière se confonde avec la forme, que dans la rapidité des échanges de l’information, la matière ne se distingue plus de ce qui l’informe.
Le couplage de ces deux aspects rend d’autant plus important l’élaboration de la technique comme technique de contrôle, et la constitution de celle-ci comme "psychopouvoir", c’est-à-dire comme possibilité de prévoir les comportements, de les orienter à volonté, selon les seuls impératifs du marché et de la financiarisation, en amenuisant ce qui les oriente, à savoir le désir, pour n’en faire plus qu’une pulsion de consommer.
Cependant, les significations imaginaires d'une société ne peuvent faire l'objet d'aucun calcul. Le ratio auquel les flux engrammés sont soumis ne pourront jamais épuisé la nature d'une signification.
- Retrouvez ce post traité par huit algorithmes différents dans La métabole -
- Rejoignez le journal de l'Hypertexte en anglais
- Envoyez vos textes à jp.pastor@phonereader.fr