Afin de parvenir à une définition de la rhétorique de l’hypertexte qui tienne compte de son caractère indécidable (dans ce domaine, il n’est pas question de postuler la prépondérance de la dimension rhétorique du discours sur sa dimension logique et grammaticale – ni l’inverse), il faudrait ne pas distinguer par avance ce qui est de l’ordre du trope dans le texte et ce qui est de l’ordre du concept ou du commentaire raisonné.
Or, si cette indécidabilité en venait à être respectée à la lettre, elle se transmettrait derechef aux catégories employées à déchiffrer l’écriture dans toute sa généralité. Par un tel suspens, il ne serait plus possible de savoir précisément « de quoi on parle ». Il faut bien admettre que dans tous les cas de figures ( !), l’univocité reste la finalité ultime du langage : tout suspens concernant ce principe entraine la ruine dans la communication (Habermas).
Pourtant, ces oppositions entre figures et idéalités sont historiquement déterminées.
Il conviendrait logiquement de les interroger: le Livre, l’écriture-papier a depuis toujours survalorisé le grammatical et le syntaxique au détriment de la valeur rhétorique dans l’expression. L’idéal de la typographie noire sur les belles pages de la Collection Blanche est promu par la soustraction qui s’opère à propos des conditions rhétoriques qui favorisent la mise en valeur traditionnelle de l’Idéalité. Ces procédés font partie d’une séquence datée de l’Histoire de la pensée ; des procédés qui plongent leurs racines dans « une pensée métaphysique du texte », pensée la plus ancienne et la plus marquée en matière philosophique concernant le statut idéal et forclos de l’écriture.
Mais pour autant, il serait inadéquat d’avancer qu’il n’y a plus aujourd’hui de distinction possible entre traits rhétoriques et objets conceptuels dans « un textel numérique ». L’équivalence entre la figure employée dans l’écriture contemporaine et l’idée exprimée ne peut pas être sérieusement réalisée. Il s’agit donc de marquer une certaine séparation entre l’événement de la figure de style apparaissant sur l’écran et l’idéalité de son concept pour qu’il puisse y avoir ne serait-ce qu’une certaine conception possible de la rhétorique utilisée dans l’hypertexte. Ce dont il s’agit ici, c’est bien de comprendre la nouveauté qui se fait dans l’écriture lorsqu’une certaine articulation entre ces termes s’opère, même si cet ajointement entre tropes et concepts se reconnait comme incessamment déréglé (est-ce bien sérieux de vouloir « philosopher » sur le web, quelle pourrait être la valeur de vérité d’un textel rédigé dans un hypertexte en ligne etc. ?…).
Ce qui se montre toutefois, c’est qu’il n’y a pas d’oppositions radicales ni de coïncidences parfaites entre la tropologie, voire les mouvements hypertextuels des liens, et la rhétoricité générale du langage.
On pourrait même faire valoir qu’après la phase de numérisation forcenée appliquée à l’écriture contemporaine, il est désormais opportun de constater le devenir totalement tropique du langage sur les réseaux : dans ces conditions, il n’est plus d’aucune utilité d’opposer un sens propre au sens figuré d’un terme hypertextuel. Les métaphores qui envahissent l’intégralité de l’espace digital et viennent à le combler, finissent par disparaître. Tout comme les concepts dans les textels qui circulent et se disséminent sans fin dans les moteurs de recherche. Et cela même au moment où « images et vidéos » couvrent à satiété le champ de la mise en page des textes sur l’ensemble du réseau. Seule semble s’ordonner en définitive un effet de modification continue des textes sur l’écran ; un effet de métabolocité (changements successifs) des signes auquel nous sommes maintenant bien en peine de pouvoir fournir une définition adéquate…
Car cette définition possible de l’écriture par métaboles consécutives dans la progression du textel s’inscrivant à l’écran pose de nouveau les mêmes problèmes que ceux auparavant avancés par le concept supposé de métaphore dans un texte classique : à partir de quelle source et de quel endroit est-il légitime de fixer définitivement son concept ? La métabole est-elle de nouveau une Figure, une Idée, un Quasi-concept auquel il faudrait maintenant attacher un signifié irréductible ?
Comment peut-elle enfin produire son effet dans l’hypertexte hors du domaine circonscrit de la différence et de la répétition, figures classiquement convoquées dans l’élaboration du texte au sens classique ?
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Jean-Philippe Pastor