Une suite détermine généralement la position et la nature des éléments qui la composent en développant la fonction ou la loi qui la dirige. Or, la suite des liens s’inscrivant dans un textel (la liste des termes hypertextualisés figurant dans le texte-en-ligne) dépend paradoxalement du travail des éléments qui la constituent : chaque hyperlien est en effet susceptible à chaque instant d’en créer de nouveaux, rendant particulièrement instable l’établissement définitif d’une série - par ailleurs en modification continue.
Dans ces conditions, dresser la liste des hyperliens dans un index à la fin d’un livre numérique (afin de faire le mapping du contenu, d’en établir un lexique raisonné à la manière de EastGate avec le progiciel Tinderbox) présente quelques inconvénients ; car la série n’est jamais achevée, circonscrite, finie, close, égale à elle-même. Depuis la parution du livrel, elle n’aura jamais cessé de se prolonger tout en se transformant. Elle doit d’une part composer nécessairement avec le temps de l’écriture et de la lecture. Elle doit également faire avec l’espacement des termes et leur inscription, avec « le contexte général » se développant sans cesse sur le réseau. C’est là l’effet de ce que j’appelle la métabolicité fondamentale de la chaîne des hyperliens. Et d’ailleurs, la métabole comme figure de style s’inscrit et se révèle rhétoriquement dans la page par la chaîne des termes ainsi générée : la métabole des hyperliens doit s’insérer dans une telle série pour y prendre sa place à côté des éléments qu’elle n’aura pourtant à aucun moment programmée.
Toutefois, le mouvement de transformation de lien en lien dans le texte ne peut guère manquer de suggérer que, avant et après tout, la métabole comme trope dans l’hypertexte précède d’une certaine façon tous les autres éléments de la chaîne ; car c’est bien elle qui instaure la série continue des hyperliens en affirmant, en premier lieu, l’opportunité de leur hypertextualisation. C’est elle qui marque par anticipation, en la préfigurant, le « taguage » des autres éléments qui s’y prêtent. Avant d’entrer dans la chaîne, les tags auraient donc été marqués par un effet de figuration de sorte qu’ils porteraient, avant même d’être tagués, une trace attestant de leur appartenance à la suite des termes hypertextués. Chacun des éléments serait ici prêt à agir en tant que schème complémentaire de la métabole, sinon en tant que son remplacement quasi-synonymique…
En bref, tout comme chacun de ses éléments pris dans leur singularité, la série interrompt, en la transgressant, toute tentative de circonscription définitive. Sa logique se marque sans cesse par un mouvement de modification perpétuelle, tout autant que celle de ses éléments.
Par conséquent, il y aura toujours, à chaque moment, un élément supplémentaire à faire valoir, un élément à venir dans la suite– mais de surcroît, chacun d’entre ces éléments pourra se révéler, dès l’examen, démultipliable à l’infini dans l’opération de marquage : chaque lettre, chaque signe, chaque trace inscrite sur la page reste potentiellement une marque à déposer, renouvelant sans cesse la lecture raisonnée des liens qui la produisent.
Textels suivants...
De la nature des liens dans un hypertexte
Qu'est-ce qu'un lien hypertexte inférentiel?
Le livre numérique en pleine expansion
Subversion des formes expressives dans un livre numérique
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Jean-Philippe Pastor
